Patients ou clients ? La médecine face au défi de la marchandisation

La médecine est-elle en train de perdre son essence en France ? Face à la désertification médicale et à la pression financière, certains patients se sentent plus comme des clients que comme des malades. Comment garantir une médecine accessible et éthique pour tous les Français ?

Stéthoscope posé sur un bureau médical avec un ordinateur et une imprimante en arrière-plan.

La médecine a toujours été plus qu’une simple profession : elle est un engagement, un serment, une mission au service des patients. Pourtant, une question dérangeante se pose de plus en plus : la relation entre médecin et patient est-elle en train de glisser vers une relation commerciale, où la rentabilité prend le pas sur l’humain ?

Ce constat, loin d’être une critique généralisée des professionnels de santé qui exercent avec dévouement, met en lumière une évolution inquiétante de notre système de soins.

En France, la santé repose sur un principe fondamental : l’accès aux soins pour tous, indépendamment des revenus. Ce modèle est un pilier de notre solidarité nationale. Mais face à des déserts médicaux toujours plus nombreux, à une pression financière croissante sur les praticiens et à une évolution des attentes des patients, un glissement s’opère. Certains malades ont le sentiment de ne plus être des patients, mais des clients, soumis à une logique de marché où le temps médical est optimisé, où les consultations sont parfois expéditives et où les soins semblent orientés par des critères de rentabilité plus que par une nécessité médicale avérée.

Ce phénomène ne doit pas être pris à la légère. Il ne s’agit pas de pointer du doigt les soignants – dont la majorité est engagée corps et âme dans leur mission –, mais de comprendre les mécanismes qui poussent, parfois malgré eux, certains professionnels à adopter une approche plus mercantile.

Pourquoi en sommes-nous arrivés là ?

Les causes de cette situation sont multiples et appellent des réponses adaptées :

La désertification médicale : dans de nombreuses régions, le manque de médecins généralistes et spécialistes crée une pression insoutenable sur ceux qui restent en poste. Moins nombreux, ils doivent gérer une demande toujours plus forte, ce qui les pousse à raccourcir les consultations ou à prioriser certains actes.
L’épuisement des soignants : les médecins, comme les infirmiers et les aides-soignants, subissent une charge de travail colossale. Beaucoup dénoncent des conditions de travail dégradées qui les conduisent à se recentrer sur les actes les plus rentables pour maintenir leur activité.
Une bureaucratie envahissante : les obligations administratives sont devenues un fardeau qui empiète sur le temps médical. Entre les contraintes liées à l’Assurance maladie, les formalités imposées aux praticiens libéraux et la lourdeur des protocoles, le temps consacré au soin diminue au profit de tâches purement administratives.
Le modèle économique des soins : en libéral, certains médecins se retrouvent à jongler entre une rémunération basée sur le volume d’actes et une exigence croissante de rentabilité pour maintenir leur cabinet à flot. Ce modèle peut les amener, parfois malgré eux, à adapter leurs pratiques pour répondre aux impératifs financiers.

Des solutions concrètes pour réconcilier médecine et éthique

Face à ces constats, il est impératif d’agir. Plutôt que de se contenter d’une indignation stérile, nous devons proposer des solutions pragmatiques pour garantir une médecine humaine, accessible et éthique.

Revaloriser la médecine de proximité
Encourager l’installation de nouveaux médecins dans les territoires en tension grâce à des incitations financières attractives.
Simplifier les démarches administratives pour faciliter l’ouverture et le maintien des cabinets en zone rurale.
Développer les maisons de santé pluridisciplinaires pour mutualiser les moyens et offrir un cadre de travail plus stable aux soignants.
Libérer du temps médical
Réduire la paperasse en déployant une véritable simplification administrative des actes médicaux.
Mettre en place des assistants médicaux en nombre suffisant pour permettre aux médecins de se concentrer sur leur mission première : soigner.
Alléger les contraintes bureaucratiques qui freinent les vocations et contribuent à l’épuisement des praticiens.
Réintroduire l’humain au cœur du soin
Favoriser la téléconsultation sans qu’elle ne devienne une réponse systématique aux manques de médecins, afin de préserver la relation de proximité avec les patients.
Renforcer la formation à l’écoute et à l’accompagnement dans le cursus médical, pour maintenir une approche centrée sur le patient et non sur la rentabilité.
Redéfinir le modèle économique des soins, en garantissant une juste rémunération qui ne pousse pas les praticiens à adopter des stratégies financières au détriment de la qualité.
Garantir un accès équitable aux soins
Encadrer strictement les dépassements d’honoraires pour éviter qu’un accès inégalitaire à la santé ne se développe.
Soutenir les hôpitaux publics qui assurent une prise en charge pour tous, en mettant fin aux logiques de rentabilité qui nuisent à la qualité des soins.
Assurer une couverture médicale territoriale équilibrée en orientant mieux la formation des futurs médecins et en régulant mieux leur installation pour éviter les déserts médicaux.

Refusons une médecine à deux vitesses

L’accès aux soins ne doit jamais devenir un luxe réservé à une élite. Notre modèle de santé repose sur un principe fondamental : garantir aux Français un accès à des soins de qualité, quel que soit leur lieu de résidence et sans que des considérations financières ne deviennent un obstacle.
Si nous laissons la logique marchande s’installer dans la médecine, nous prendrons le risque de voir émerger un système où seuls certains pourront bénéficier d’un suivi médical optimal, tandis que d’autres devront faire face à des délais d’attente interminables ou à des soins insuffisants.
Il est encore temps de réagir. Médecins, patients, citoyens : mobilisons-nous pour une médecine qui respecte son serment et reste fidèle aux valeurs qui fondent notre système de santé. Car la santé des Français n’est pas un marché, mais un pilier de notre nation qu’il nous appartient de préserver.

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